Très
vite, un homme fait figure de favori : Hugues Capet, le fils de Hugues
le grand dit "Duc des Francs", et descendant de Robert le Fort. Son
surnom de Capet vient de chappet, désignant celui qui porte
une chappe d'Abbé, et Hugues est propriétaire de plusieurs
abbayes.
De plus, Hugues est assuré du concours de l'Archevêque
de Reims, Adalbéron qui est le premier prélat du royaume.
Ce dernier convoque l'assemblée qui doit élire le roi
à Senlis où il fait un discours on ne peut plus éloquent
en la faveur de Hugues :
"Nous n'ignorons pas que Charles a ses partisans qui soutiennent
qu'il est digne du royaume parce que ses parents le lui ont transmis.
Pourtant, si l'on examine la question, on sait que le royaume ne s'acquiert
pas par droit héréditaire et que l'on ne doit élever
à la royauté que celui qui s'illustre, non seulement
par la noblesse de son corps, mais aussi par la sagesse de son esprit,
celui que sa loyauté protège et que sa magnanimité
fortifie. Choisissez le Duc, le plus illustre par ses actions, sa
noblesse et sa puissance militaire..."
Hugues Capet est élu puis sacré roi de France à
Noyon.
Ce couronnement marque à jamais la fin de la dynastie carolingienne.
Il
n'existe aucun portrait historique de Hugues Capet, il reste un roi
sans visage et énigmatique. Les appréciations de ces
contemporains sont contradictoires ; pour certain il était
un homme aimant la vie simple, pour d'autre, sa bonté était
immense...
Il semblerait qu'il fut un roi pieux, ennemi du luxe, habile en politique
plutôt que combatif, et surtout doté d'une patience à
toute épreuve et d'une volonté de durer qui lui ont
permis de surmonter des erreurs de jugement et des choix peu judicieux.
C'est un fait, sans son obstination, sa lignée déjà
éminente n'aurait pu devenir une dynastie royale.
Son père, Hugues le Grand, était le duc des Francs et
surtout l'arbitre du jeu politique entre l'empereur d'Allemagne et
les Carolingiens. Les possessions de Hugues Capet sont réduites
aux comté d'Orléans et de Senlis, ainsi que quelques
lieux mineurs et des Abbayes dont St Martin de la Tour où il
était l'abbé laïque et où était conservée
la Chape du Saint, d'où son surnom de Capet.
Sa primauté politique entre Seine et Loire s'exerce sur de
nombreux vassaux et lui permet, après avoir pratiquer un jeu
de bascule entre l'empereur d'Allemagne et les derniers Carolingiens,
d'être presque régent du royaume dès mars 987.
Elu à Compiègne, il est sacré roi le 3 juillet
987 à Noyon.
Le principe qui a élu Hugues, c'est à dire l'élection
par les grands (bien que de plus en plus formel par la suite), subsistera
jusqu'à Philippe Auguste.
A noter que ce principe reste impuissant à remettre en question
le principe héréditaire, rapidement remis en avant par
Hugues Capet.
Hugues Capet lors de son sacre prononce un serment qui sera repris
par tous les rois de France à venir :
"Moi Hugues, qui dans un instant vais devenir roi des Francs par
la faveur divine, au jour de mon sacre, en présence de Dieu
et des Saints, je promets à chacun de vous de lui conserver
le privilège canonique, la loi, la justice qui lui sont dus
et de vous défendre autant que je le pourrai, avec l'aide du
seigneur, comme il est juste qu'un roi agisse, en son royaume, envers
chaque évêque et l'Eglise qui lui est commise. Je promet
aussi de faire justice, selon ses droits, au peuple qui nous est confié."
Ce serment met en avant la carte de protecteur des églises
et des monastères, donc adversaire de l'anarchie naissante
de la société féodale que les moines combattaient
autant que les princes.
Quant à la justice envers les seigneurs et le peuple, qui à
l'époque ne dépassait pas le stade des voeux pieux,
elle deviendra peu à peu l'idée force qui permettra
à la monarchie capétienne de s'affirmer à la
fois au sommet et en face de la féodalité pour mieux
la dominer.
Une fois sacré, Hugues Capet éprouve le besoin de mieux
asseoir son pouvoir, bien que son élection n'ait provoqué
que de rares protestations.
Pour cela il lui faut être sur que son fils lui succède.
Hugues reprend une coutume byzantine et demande à Adalbéron
de sacrer de son vivant son fils Robert.
L'Archevêque commence par refuser, mais le roi lui présente
une lettre du Duc Borel (d'Espagne) lui demandant secours contre les
arabes. Le roi invoque la nécessité de la défense
du royaume et du risque de la disparition d'un chef unique.
Adalbéron cède à ce que certain ont considéré
comme un subterfuge pour imposer son hérédité,
bien que le jeune Robert était loin d'être dénué
de mérite.
Il
fut sacré par l'Archevêque le jour de Noël 987 à
Orléans, et son père le marie à Rozala (la riche
veuve du comte de Flandre), qu'il répudie rapidement tout en
conservant la dot (Montreuil sur mer).
Mais
Charles de Lorraine ne pouvait pas en rester là, surtout qu'il
a mal accepté d'être évincé du trône
qui lui revenait de droit.
En 988, il s'empare de Laon par trahison, ainsi que d'Adalbéron
de Reims, qui réussit à s'évader après
le deuxième siège et meurt en janvier 989.
Alors
qu'il avait désigné un successeur, Gerbert,
le roi fait élire, comme archevêque de Reims, Arnoul
(un bâtard de Lothaire) qui s'engage à abandonner la
cause de son oncle Charles de Lorraine. Mais aussitôt investi,
ce dernier trahit ses serments et livre Reims à Charles.
Finalement Charles et Arnoul finissent par être capturés.
Arnoul est remplacé par Gerbert dont la fidélité
est également douteuse puisqu'il rallie la cause de l'empereur
Othon III. Cependant, les évêques français se
refusèrent à le condamner en affirmant l'indépendance
totale du clergé des Gaules.
Eudes I le comte de Blois, vassal de Hugues Capet, était un
des grands féodaux à pouvoir rivaliser avec lui. Mais
prudemment, il choisit de s'attaquer aux alliés du roi notamment
Bouchard (comte de Paris) et son gendre Foulques Nerra (duc d'Anjou).
Eudes s'empare de Melun (tenu par un vassal de Bouchard). L'affaire
échoue et provoque une guérilla de deux ans entre Eudes
et Foulque Nerra. Le duc d'Anjou en profite pour s'emparer de Nantes
en juin 992, ce qui n'empêche pas en 994 et 995 une reprise
des hostilités.
Eudes finit par assiéger au cours de l'hiver 995 - 996 le Château
de Langeais, où Foulques s'était enfermé ; mais
heureusement le roi vient à son secours, et Eudes se voit contraint
d'implorer une trêve avant de mourir en mars 996.
Il laisse une veuve, Berthe, qui épousera Robert II pour conserver
l'héritage de ses fils.
C'est à cause d'elle que les derniers mois du règne
de Hugues furent ternis par une discorde, car Robert II s'était
épris de Berthe. De plus ce mariage était canoniquement
impossible (parenté au troisième degré), et Gerbert
s'y oppose. Robert devra attendre la mort du roi pour concrétiser
une union qui s'avéra funeste.
Pour
bien comprendre le règne de Hugues Capet il faut évoquer
la France qu'il eut à gouverner.
Déjà la distinction entre les limites théoriques
de son royaume, plus étendues au sud (comté de Barcelone)
et plus limité à l'est (par les royaumes de Lorraine
et de Bourgogne) que la France actuelle ; et celle d'un pouvoir réel
n'excédant pas l'Ile de France et les régions voisines,
l'hommage des grands féodaux étant resté théorique.
De
plus le roi a été victime d'un double phénomène
; le relâchement des liens vassaliques entre le roi et les grands
féodaux (qui se résumait à la non hostilité
envers le roi) ; et l'émiettement du pouvoir en de multiples
seigneuries où le pouvoir n'est plus exercé au nom du
roi ou du comte, car son possesseur l'avait reçu en héritage
ou usurpé.
Comme fondateur d'une nouvelle dynastie, Hugues Capet à su
s'imposer habilement, en dépit de certaines erreurs de jugement.
Dès son règne on peut discerner certaines constantes
de la monarchie capétienne, comme le gouvernement avec un conseil
de fidèles où dominaient les évêques. Pourtant
cela n'empêche pas le roi de marquer son indépendance
et celle de l'Eglise Franque à l'égard de la papauté
et de l'empire, ce qui donne une ébauche de l'identité
nationale.